Extraits : Extrait de Miss Brontë, sa vie et ses œuvres: Il y a longtemps qu’il n’avait paru en Angleterre un livre qui fît pénétrer aussi profondément dans l’intimité de la vie anglaise. La vie de Charlotte Brontë est mieux qu’une biographie, c’est en plus d’un sens un livre historique, et nous croyons que cette expression n’a rien de trop aventureux. Il marque une transition non seulement entre deux générations différentes, mais pour ainsi dire entre deux états de société et deux manières de sentir et de penser. On y saisit admirablement cette transition, dont la famille Brontë a été en quelque sorte la victime, entre la vieille vie anglaise qui finit et la nouvelle vie anglaise qui commence ; on voit comment d’un de ces états de société a pu naître l’autre, comment les fortes racines de la barbare et robuste indépendance qui nous y est dépeinte ont pu produire cette imposante dignité de caractère que nous admirons dans miss Brontë, comment cette moralité rude et grossière a pu, à la longue, engendrer de telles délicatesses d’âme, un tel soin de soi-même, des scrupules de conscience si raffinés. Extrait de Jane Eyre, Autobiographie: Un roman ! Un roman ! Politique, économie politique, socialisme, tout ce qui retentit et domine en ce temps-ci ; je donnerais tout, de bien grand cœur, pour un roman. Car enfin, voici huit mois que nous chevauchons dans le pandémonium des chimères. Huit mois ! Et prenez garde que je ne fais point allusion aux luttes violentes, à la souffrance matérielle et à cette incertitude de l’avenir qui est l’anxiété et l’angoisse de chaque jour. Je ne parle que du supplice de l’esprit, des tortures de la pensée, de l’inexprimable dégoût de l’intelligence aux prises avec ces folies terribles qui échappent à la raison par l’excès de leur absurdité, mais auxquelles le mal qu’elles font au monde ne nous permet point. Extrait de Jane Eyre : — Tenez-lui les bras, miss Abbot ; on dirait une chatte folle. — C’est une honte, cria la femme de chambre. Quelle conduite inconvenante, miss Eyre ! Frapper un jeune gentleman, le fils de votre bienfaitrice ! Votre jeune maître ! — Maître ! Comment est-il mon maître ? Est-ce que je suis une domestique ? — Non ; vous êtes moins qu’une domestique, car vous ne faites rien pour gagner votre entretien. Là, asseyez-vous, et réfléchissez à votre méchanceté. Elles m’avaient conduite, pendant ce temps, dans la pièce indiquée par Mme Reed, et elles m’avaient jetée sur une chaise. Bessie, s’adressant à moi, dit : — Prenez garde, mademoiselle, que vous avez des obligations envers Mme Reed ; elle vous nourrit ; si elle vous renvoyait, vous seriez obligée d’aller à la maison des pauvres. Je n’avais rien à répondre à ces paroles, elles n’étaient pas nouvelles pour moi ; mes plus anciens souvenirs me rappelaient des avis semblables. Ce reproche de ma dépendance était devenu comme un tintement vague dans mon oreille. J’en souffrais beaucoup, mais je ne comprenais qu’à demi. Miss Abbot ajouta : — Et vous ne devez pas vous regarder comme l’égale des demoiselles Reed et de M.